Extrait n°1

Louis lui offre un clin d’œil, tourne les talons et s’empresse de retourner au stade. Le portefeuille de René glisse maladroitement de son caban et heurte le sol. Il s’accroupit, récupère son bien et se relève.

Tout à coup, une violente douleur aux chevilles le surprend. Il hurle tout en s’écroulant et porte sa main droite sur les zones meurtries. Les doigts sont ensanglantés.

— Aïe ! C’est quoi ce bordel ? Les gars, vite. À l’aide ! ! s’époumone-t-il.

René vient de saisir. Il ne peut plus se redresser, il a les tendons d’Achille sectionnés. Il prend conscience que personne ne l’entend. La peur se décompose à l’intérieur de ses pupilles lorsqu’il aperçoit une silhouette s’extraire de sous le véhicule. René comprend à l’instant qu’il n’est pas si fort. Pas plus fort qu’André, Jean-Pierre, Anselme et Daniel comme il pensait l’être. La silhouette ondule, mixant son approche entre un félin et un squamate. C’est la première fois que René éprouve ce sentiment de terreur. Allongé, il tente de s’éloigner en reculant sur les coudes. Il conçoit avec fatalité, qu’il est le prochain. Il saisit avec poigne la croix du Christ pendue à son cou. Sa dernière pensée se dirige vers sa compagne enceinte de deux garçons, qu’il ne verra pas grandir.

« Seigneur, protège-les ! » se dit-il.

Cette silhouette est celle d’un homme. Il tient fermement une barre en fer sur laquelle des clous et pointes sont soudés. Sans tergiverser, il assène un violent coup en pleine tête. Le globe oculaire droit s’extrait de son orbite, René n’est plus. Au milieu des dents déchaussées, l’individu dépose délicatement un porte-clés en forme de ballon de rugby dans la bouche de sa nouvelle victime. La cinquième en quelques mois, touchant de plein fouet la petite commune maudite du Languedoc : La Palme.

Extrait n°2

Le soir de la victoire, la Tique Nébias décide d’avouer un détail important à son entourage, un élément qui va les chambouler. Il demande à Nathan, Julian, Damiano et Constance de venir chez lui. Alors qu’ils sont attablés, Alice chuchote à son amoureux :

— Tu es sûr de ce que tu fais ?

— Oui j’ai bien réfléchi mon cœur, répond-il. Écoutez-moi, c’est très important. Dans la semaine, j’ai été interrogé par la BR[1] de Narbonne, en charge de l’enquête. Il y a deux éléments dont je souhaitais vous parler. J’ai l’ordre de ne rien dire, mais je vous fais confiance et j’ai le besoin viscéral de le partager. Tout d’abord, c’est moi qui étais visé.

— Peux-tu nous en dire plus ? demande Nounours, effaré.

— Ils ont trouvé un message à côté de mon frère sur la scène du crime qui disait que cela aurait dû être moi.

— Mais c’est impossible. Qui pourrait t’en vouloir au point de s’en prendre à ton frère ? s’étonne Constance.

— Si je le savais, je serai déjà en prison pour avoir descendu ce meurtrier. Mais ce qui est sûr, c’est que c’est de ma faute si Léo n’est plus des nôtres. Il était au mauvais endroit, au mauvais moment.

Alice pleine de tendresse, ajoute :

— Je t’interdis de dire une chose pareille. Nous avons affaire à un malade, ce n’est pas ta faute Micka.

— Merci, mais tu ne me feras pas changer mon ressenti qui bouffe mon esprit.

Quelques instants plus tard, il poursuit.

— Le second élément dont je voudrais vous faire part c’est que le Boucher de l’Ovalie est de retour.

Un frisson parcourt l’ensemble des invités.

— Qu’est-ce qui te fait dire ça ? demande Nathan. Cela fait vingt ans qu’il a disparu, ce n’est pas possible.

— Et pourtant.

La Tique avale une gorgée de salive.

— Ils ont retrouvé le fameux porte-clés en forme de ballon de rugby dans la gorge de mon frère.

Rien que d’imaginer la scène, Micka craque et se met à pleurer. Alice le prend dans ses bras. Les jeunes gens sont choqués par ce qu’ils viennent d’entendre. Ils se promettent de n’en parler à personne. Tous quittent le domicile de Mickaël, chacun dans sa direction en prenant soin de regarder derrière soi à chaque bruit suspect, à chaque couinement douteux.

[1] Brigade de Recherches de la Gendarmerie Nationale

Extrait n°3

Comme chaque soir, je promenais Arès, mon setter irlandais. Nous faisions le tour du pâté de maisons. Un chien, faut s’en occuper donc une bonne promenade permet de dégourdir les pattes avant d’aller se coucher. Cette nuit-là, il faisait une météo anglo-saxonne. Les giboulées rafraîchissaient l’ambiance pesante que nous vivions. Soudain à l’angle de la rue du Grenache, un type déboule et manque de me heurter. Et là, je l’ai reconnu malgré son visage baissé et dissimulé par sa capuche.

— Oh doucement. Mais où cours-tu ainsi ?

José a marqué un temps d’arrêt, surpris certainement de croiser quelqu’un. Puis il s’est éloigné en augmentant la cadence. Que pouvait-il faire à cette heure-ci loin de chez lui ? J’ai repris ma balade lorsqu’un hurlement retentit. Le cri provenait de la rue d’où arrivait ton père. J’ai lâché la laisse du chien et j’ai couru au plus vite. J’ai aperçu Nadine Ginestas debout, tournée vers sa voiture. Les voisins commençaient à sortir aux fenêtres. Même ma Ginou y était. Je m’avance en direction de la future maman et j’aperçois cette scène macabre dans le coffre du véhicule. Son mari avait été massacré. Je hurle en direction de Ginou :

— Mon Dieu ! Appelle la gendarmerie et le docteur. J’emmène la pitchoune à l’hôpital.

— À l’hôpital ? répond Nadine dans le brouillard complet.

— Oui magnague, tu saignes, allons-y.

J’ai fouillé dans mon caban, j’ai récupéré la clé de ma voiture garée à proximité. J’ai fait monter la petite et nous sommes partis à l’hôpital de Narbonne. Et là, les images se sont remises en place. Mon neveu, le cri, le corps de René Espezel. « Mais qu’as-tu fait José ? » J’étais en colère contre lui, triste pour toi car je venais de démasquer le Boucher de l’Ovalie.

 

 

 

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